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Jean-Paul Lugan, psychologue, coach, préparateur mental, expert en prévention des risques psychosociaux, et auteur de "Santé mentale, la méthode M.I.N.D à portée de tous" (Éditions ZenMind)

« Sois fort ». Deux mots, mille dégâts.

Dans de nombreux environnements professionnels – entreprises, politiques, armée, start-ups – cette injonction agit comme une norme invisible, un code silencieux que tout le monde intègre sans même le questionner. Pourtant, derrière ce masque de solidité imposée, se cache une mécanique perverse qui alimente la souffrance au travail, épuise les individus, et fait voler en éclats la santé mentale au travail.

Dans mon métier de psychologue, je vois chaque jour les dégâts de cette logique. Et si l’on s’y attarde, ce "sois fort" n’est pas un simple mot d’ordre. C’est un piège identitaire. Dans les organisations où la valeur de performance est hypertrophiée, ce message devient omniprésent. Il s'insinue dans les discours ("il faut tenir bon", "on n'a pas le choix"), dans les silences ("ici, on ne se plaint pas"), dans les regards ("montre que tu gères"). Cette norme de dureté façonne des croyances rigides : ne pas montrer ses émotions, ignorer la fatigue, enchaîner les heures, faire preuve de sang-froid en toutes circonstances. Comme me le confiait un ancien député, Luc Geisnar : « Parler de ses tourments, c’est déjà donner un signe de faiblesse dans un milieu hyperviolent. »

Ces croyances finissent par se traduire en comportements dangereux : refuser de demander de l’aide, cacher son épuisement, faire passer la mission avant soi, parfois jusqu’à l’effondrement. Dans certains cas, cela conduit à l’épuisement professionnel, aux troubles du sommeil, à l’isolement émotionnel, voire à de véritables effondrements psychiques. Et cela n’épargne personne. Même au sommet de l’État, l’injonction « sois fort » gouverne. Emmanuel Macron lui-même, bien que stratégiquement solide, incarne cette rigidité émotionnelle : « Il ne montre jamais ses erreurs, ses doutes, ses fragilités. »

Une étude récente vient confirmer ce constat alarmant :
- 30 % des actifs français ont déjà été en burnout modéré ou sévère,
- et 61 % des salariés ressentent du stress au travail au moins une fois par semaine,
(selon le baromètre Empreinte Humaine - OpinionWay, septembre 2024).

La problématique devient systémique lorsque l’injonction personnelle – souvent héritée de l’éducation – entre en résonance avec l’organisation du travail. L’entreprise, par ses valeurs et ses méthodes managériales, vient activer cette voix intérieure. C’est là que le piège se referme : ce n’est plus seulement une affaire de personnalité, mais de culture. Santé psychologique au travail, qualité de vie au travail, stress professionnel, charge de travail : tous ces indicateurs se dégradent silencieusement, tant qu’on valorise l’image du héros invincible.

Il est temps de revisiter cette croyance.
Être fort, c’est aussi savoir dire “stop”.
C’est reconnaître ses limites, ses émotions, ses besoins.
C’est sortir du mythe de l’invincibilité.
C’est retrouver un équilibre humain dans les relations professionnelles.
Bref, c’est prévenir plutôt que guérir.

Cet article est le fruit de constats opérés lors d’ateliers que j’anime dans les entreprises sur l'art du management de soi, la prévention des risques psychosociaux et l’amélioration de la santé mentale au travail.

Je suis Jean-Paul Lugan, psychologue, coach, préparateur mental et auteur du livre Santé mentale, la méthode M.I.N.D à portée de tous.

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Souffrir en silence n’est pas une fatalité. Ouvrir un espace de dialogue, c’est déjà commencer à réparer.‍